mercredi 3 septembre 2008

Straight Pride in America : la longue marche des hétérosexuels

A partir de ce moment, plusieurs manifestations eurent lieu aux Etats-Unis afin de promouvoir la Straight Pride et de répondre à la Gay Pride. Bien souvent, elles reprenaient le modus operandi des parades gaies et lesbiennes. En ce sens, ces opérations avaient souvent une dimension humoristique, parodique, ou satirique. En soi, l’idée même d’une Straight parade pouvait paraître assez drôle, mais les activistes hétérosexuels allaient plus loin. Ainsi, lors de la Straight Parade de Telluride, en 2007, certains participants organisèrent un kissing public (hétérosexuel, bien sûr), imitant en cela les mouvements gais et lesbiens ; d’autres portaient des pancartes portant des inscriptions comme « Straight is Great » (en écho à « Gay is good »), ou encore « Adam and Eve, not Adam and Steve ». Dans les jours qui suivirent, dans la presse et sur internet, plusieurs commentateurs critiquèrent ces slogans, car ils y voyaient l’expression d’une homophobie à peine voilée. « Adam and Eve, not Adam and Steve » : malgré le jeu de mots, cet énoncé n’en demeurait pas moins l’injonction à un ordre biblique dont la violence symbolique était tout à fait manifeste.

Les promoteurs de la Straight Pride organisèrent ainsi de nombreuses manifestations publiques. Il s’agissait en général de marches à travers les villes, ou de campagne de sensibilisation sur des campus universitaires. Parmi les plus importantes de ces opérations figure la marche qui eut lieu le 15 juin 2003 à Portland, dans l’Oregon. Il s’agissait bien sûr de promouvoir l’hétérosexualité et la famille américaine. Le Comité d’Organisation était constitué de chrétiens, mais se disait ouvert à tous les hétérosexuels sans distinction de race, de religion, ni même de statut marital. Officiellement, on pouvait donc être musulman, noir et célibataire, et faire partie du mouvement. Le Comité était conscient des objections et des critiques qui pouvaient être formulées à son encontre. C’est pourquoi il prit soin de rédiger certaines règles très précises, destinées à éviter tout débordement. Les pancartes exprimant la haine ou la violence étaient proscrites. Ainsi, au lieu d’affiches disant « les pédés sont des pécheurs », « Dieu déteste les pédés », ou même « vous n’avez pas encore le sida ? », slogans maintes fois entendus par ailleurs, le comité recommandait plutôt les messages d’amour : « Dieu vous aime tous ». De même, les armes étaient interdites : ce n’était pas un rallye de la NRA. En outre, on exhortait les participants à avoir l’air au moins aussi gai que les gais eux-mêmes, et on expliquait dans le règlement comment éviter les altercations avec les éventuels militants homosexuels, qui viendraient organiser une contre-manifestation. Au lieu de répondre aux provocations, il suffisait de proclamer : « Alleluia ! »

En janvier 2005, une « Straight Pride week » fut organisée sur le campus de l’University of Central Oklahoma. Cette semaine avait été lancée par les Républicains de l’Université. Kyle Houts, l’un des responsables du parti sur le campus affirma : “Si vous êtes un étudiant hétérosexuel sur ce campus, soyez fiers, dites-le fort ; pour vous, c’est le moment de briller ! » Des tracts avaient été diffusés : « we’re here, we’re conservative, we’re out ». On le voit, la formule reprenait explicitement la métaphore du coming out, si caractéristique de la culture gaie et lesbienne. Cependant, ici, le coming out de l’hétérosexualité n’était pas mis en scène par un mouvement religieux, comme c’était le cas à Portland, mais par un mouvement politique. Confessionnalisation à Portland, politisation à l’University of Central Oklahoma, telles étaient les deux options dominantes au sein des manifestations liées à la Straight Pride : l’hétérosexualité s’installait ainsi au cœur des enjeux majeurs de la société américaine.

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